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Writer's pictureAriane Caron-Lacoste

Inspire


Calepin, échantillons, en cours.

Je cuis à feu doux dans notre appartement. Je suis écrasée sur le canapé, les pales du ventilateur poussent une brise dans ma direction, mais je suffoque. En été, Montréal prend des airs de pays chaud.


Aucune position n'est confortable. Par cette chaleur, le tissu du divan - il est texturé, sans doute 100 % laine, point de lin - irrite la peau. J'erre chez moi en simple camisole et culotte : il fait bien trop chaud pour supporter autre chose.

Dans mon abattement, je traîne les pieds au rythme du vrombissement du moteur. Je suis accablée par la lourdeur de l'air, et pour oublier un instant la canicule, je dois m'occuper. Il y a l'envie de tricoter, oui, bien sûr, mais quand je regarde mes en cours, j'ai des bouffés de chaleur : je n'ai que des pulls sur mes aiguilles. Rien qu'à l'idée de m'y remettre, je sens déjà la laine coller à mes doigts et le tricot réchauffer mes cuisses.


L'air épais tue dans l’œuf mon élan créatif. Il fait chaud, donc.


Ça me prendrait un petit tricot, quelque chose de léger. Rapide.

Instant gratification. Sentiment d'accomplissement. Réalisation. Utiliser mes mains pour me sortir de ma torpeur.


Allez, on y va au pif. J'ai des restes de laine à bas, des aiguilles 3 mm, on monte une trentaine de mailles, on fait un échantillon. Ça va vite, un échantillon, non?

Ok, mais on tricote quoi.

Du jersey? Bof, non. Ça ne me tente pas.

Des motifs en fair isle? Et demander à mon cerveau - aussi alerte qu'un bol de gruau - de gérer 4 fils de couleurs par une journée de fournaise? Ha ha ha no way.

Des torsades? Meh.


L'inspiration. Laisser aller. Respire Ariane. Allez.


Inspire.


J'ai pensé à ce mot dernièrement. Inspire. Faire entrer l'air dans ses poumons, oui, et donner de l'inspiration aussi. C'est sûr que ça va de paire. On ne peut pas être inspiré si on n'inspire pas. Prendre une grande bouffée d'air et laisser entrer les idées.


Mais on peut pas juste les laisser entrer, les idées. Il faut leur faire de la place pour qu'elles viennent.


Inspire.


Faire de la place. Mais ma tête est si pleine!

Jeter le tout sur papier. Allez Ariane, c'est facile, tu prends un crayon, là, voilà, et tu écris. Ok, oui, bon, tu peux dessiner aussi. Paraît que t'es bonne en dessin en plus.


Inspire.


Je laisse glisser la pointe de ma plume sur le papier. C'est correct de scraper une coupe de feuilles au début.


Inspire.


Il y a des motifs qui sont en nous sans qu'on s'en rende vraiment compte. C'est en couchant les images sur papier qu'on les remarque, qu'ils se manifestent sans cesse.


Inspire.


Je feuillette le vieux livre de points de tricot de ma mère. Appartenait-il à ma mère? J'ai un doute. Je ne sais pas, je ne sais plus. Comment est-il entré en possession? Il est vieux, écorné, le papier a jauni. Les images sont très contrastées, en noir et blanc, et les explications sont impeccables. Un leg inestimable, mille fois consulté.


Allez, on reprend les aiguilles. J'ai sélectionné un point. Je l'ai trouvé. Celui qui revient sans cesse.


À GO, on swatche


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